La tradition

Depuis quelques années maintenant, nous parlons beaucoup d’identité culturelle, de connaissance de soi, et de construction identitaire. Par exemple, on fait mention de ces concepts dans le plan de 10 ans du Ministère de l’Éducation et de la petite Enfance du Nouveau-Brunswick travaillant directement dans ce domaine (enseignant de musique dans une école francophone en milieu minoritaire) je crois qu’il était grand temps que je m’arrête pour quelques instants à mon rôle en tant que passeur culturel.

Étant donné que le temps des fêtes arrive à grands pas, quoi de mieux que de parler de nos traditions. Mais qu’est-ce qui définit une tradition? Selon Wikipedia (oui la source la plus fiable pour obtenir de l’information ces jours-ci… SVP, prendre ce commentaire sarcastiquement), tradition viens des mots latins « traditio, tradere. trans » qui veut dire à travers et « dare » qui veut dire donner. En d’autres mots, faire passer à quelqu’un d’autre ou remettre. Alors, selon-moi, une tradition n’est pas des simples gestes ou du matériel, mais aussi des valeurs, des histoires, de chansons, des habitudes qui sont passée d’une personne à l’autre, d’une génération à l’autre, d’un groupe à un autre.

Alors qu’est-ce qu’une tradition? Chez moi,  pour en nommer que quelques-unes, tous les Noëls, nous nous réunissons pour faire un souper de Noël le soir du 25 décembre. Il nous faut de la dinde, du « gravy » (sauce brune), de la musique de Noël, des patates. Nous allons à la messe le 24 décembre au soir et participons à petit réveillon. Le matin du 25 est le temps d’échanger nos cadeaux.

Chez mon épouse, c’est un peu différent. L’échange cadeau se fait le 24, après la messe. Au retour de l’église, toute la famille se rejoint pour manger du « Fricot » (ragout de poulet) et quand je dis toute la famille c’est la GRANDE famille ( habituellement entre 30 et 50 personnes qui parlent, chantent, mangent debout, car il n’y a pas assez de chaises dans la maison pour assoir tout le monde, rient, se font des serrées). Le jour du 25, tout est revenu à la normale.

Ayant vécu, toute ma vie, les traditions de ma famille, il est normal que je tienne très fort mon point avec ma conjointe que les cadeaux DOIVENT être déballé le 25 au matin au lieu du 24 au soir. Mais pourquoi j’y tiens tant que ça? Pourquoi aller dans un grand réveillon ne me dérange pas au lieu d’un petit comme celui que j’ai été habitué?

C’est à ce moment que j’ajoute la dimension affective et émotive à ma réflexion. Le fait de devoir attendre au lendemain du réveillon pour ouvrir les cadeaux crée une tension. Cette tension est tellement intense que lorsque celle-ci se relâche, nous sommes tellement bien! Imaginez-vous avoir un plus grand frère, ou soeur qui tient un élastique tendu au max pointé à votre visage. Plus que l’élastique est tendu, plus que votre corps au complet se tend afin de recevoir l’impact de celui-ci sur votre visage. Mais au moment que vous voyez ses mains bouger, l’élastique casse et vient pincer la main de votre « attaquant ». L’euphorie! Vous riez, vous êtes soulagé. C’est ce soulagement-là que je recherche à Noël. Mais pourquoi, maintenant, nous avons décidé d’adopter la tradition de manger du « fricot » faire des réveillons de TRÈS grande envergure? Encore une fois, c’est justement pour pouvoir vivre cette joie que nous avons lorsqu’on est en « grande » famille.

Cette parenthèse m’apporte alors à me poser quelques questions

Comment passons-nous nos traditions? Comment pouvons-nous nous assurer que ces traditions persistent dans le temps? Sommes-nous obligés de garder nos traditions? Quelles sont les traditions dont vous ne voulez absolument pas perdre?

En me plaçant à la place d’un élève qui déballe ses cadeaux la veille de Noël, il pourrait être difficile de le convaincre que faire l’échange de cadeaux le lendemain est mieux et lui expliquant avec des mots, ou en lui faisant lire une compréhension lecture sur ce sujet. Le même phénomène pourrait s’appliquer en expliquant à un Canadien de manger de la sauce à l’écureuil mort sur le côté du chemin (tradition de Marlington, West Virginia aux États unis).

C’est au niveau de l’affectif que nous devons travailler. Vous me voyez déjà venir: il faut faire vivre à nos élèves des situations significative et « vraie ». Le problème est que ce n’est pas parce qu’ils le vivent qu’ils vont nécessairement adopter des traditions ou qu’ils s’identifient à une certaine culture. Je crois sincèrement que l’expérience sera vécue différemment par chacun de nos élèves. Par contre, si nous mettions plus d’énergie sur la préparation. Cette préparation créera une plus grande tension qui sera relâchée lors de l’activité. C’est avec cette tension que les émotions seront plus ancré.

La même chose se produit en musique, je pense ici à la fameuse modulation d’un demi-ton plus haut. La chanson de graduation des amis de la prématernelle à la garderie de mes filles est tellement touchante (https://www.youtube.com/watch?v=SqN83P53cOY). Oui les paroles sont super, mais la musique apporte le texte à un autre niveau. Tout le long de la chanson, à chaque couplet, on remarque des changements dans l’instrumentation (il y en a plus) tout en changeant la tonalité de la pièce de plus en plus aigüe. Cette même intensité est ressentie à 3:14 lors du changement de clé à 3:14 https://www.youtube.com/watch?v=aJxrX42WcjQ dans la fameuse pièce de Josh Groban You raise me Up.  Je pourrais vous nommer plusieurs autres exemples. https://www.billboard.com/articles/columns/pop/7518842/best-key-changes-pop-music https://www.classicfm.com/discover-music/music-theory/man-mirror-michael-jackson-key-change/

On pense souvent que les traditions sont importantes et qu’il ne faut pas les négliger. De mon côté je crois que c’est l’attente de cette tradition qui fait qu’on aime encore plus nos traditions. Faire le décompte pour Noël, le décompte pour le jour de l’an, le décompte pour le congé de mars n’est-ce pas excitant? Pourquoi aimons-nous tellement décorer pour les fêtes? Oui parce qu’on aime décorer, mais il y a toujours l’excitation en attente de noël. La relâche de ces décomptes augmente tellement les émotions vécues.

Alors que les enseignants essaient si fort de travailler la construction identitaire en mangeant des ployes, en présentant divers artistes, en ayant des présentations ou en apportant les élèves dans des foyers de soins. Imaginez si toutes ces belles activités seraient accompagnées d’un engouement pour celui-ci. Je mets encore de l’emphase ici sur la préparation aux activités, pour savoir ce à quoi ils vont s’attendre ce qu’il vont vivre, créer un sentiment d’excitation ou de mystère comme ce que nos traditions nous donne.

Certaines choses peuvent être enseigné mais je crois sincèrement que la construction identitaire ne s’enseigne pas… elle se vit. Tout comme certaines fonctions exécutive du cerveau, la seul façons de la travailler est de placer les élèves dans certaines situations qui vont nous aider à nous developer.

Je vous laisse donc avec une tradition que j’aime beaucoup de notre coin de pays  qui est aussi bien facile à apprendre.